La Découverte et l’Expression du Beau et du Vrai
 
 
Paul Carton
 
 
 
Paul Carton (1875-1947) et la première page de son article
 
 
 
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Le mot «intellectuel» dans le titre de l’article est utilisé par l’auteur
au sens classique. Il fait donc référence à l’intelligence spirituelle et
éthique, liée au soi supérieur, et non à la perception mentale déconnectée de
l’âme telle qu’on la voit dans les universités occidentales depuis le XXe siècle.
 
(CCA)
 
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«Le pire tourment humain c’est
la soif de la Grandeur et de la Beauté.»
Léon Bloy
 
 
 
De nos jours, l’œuvre de création intellectuelle, originale, inventive et bienfaisante est non seulement mal protégée, mais décriée, niée, et piétinée. L’homme qui peine et qui crée est la proie des démarqueurs et des saltimbanques. Les impuissants et les profiteurs du commerce organisent autour de lui la muraille du silence et le pillage. De leur côté, les manuels injurient et méprisent l’intellectuel, parce qu’ils ignorent sa peine et ses angoisses. Mais les pires ennemis de l’œuvre originale et bienfaisante sont les insanes et les propres à rien qui passent leur vie à saccager les plates-bandes d’autrui et à confectionner la salade de l’erreur et de la vérité. Tels sont les faiseurs d’enquêtes, soi-disant destinées à éclairer l’esprit des ignorants, les ramasseurs d’avis contradictoires, les admirateurs d’incompétences, les emberlificoteurs d’opinions, gens qui pullulent chez les végétariens et chez les naturistes de carrefour.
 
A les entendre, la défense d’une vérité péniblement édifiée n’est dictée que par un bas égoïsme de gloriole et d’intérêt. Et le mérite des découvertes est inexistant, car rien n’appartient à personne ici-bas, disent-ils, les idées étant, dans l’air, à la portée de toutes les intelligences nivelées d’une façon égalitaire, sans hiérarchie d’évolution, ni d’éducation. Pour ces singuliers rêveurs, les idées flottent donc dans l’air et le cerveau de l’inventeur n’a qu’à s’en saisir pour les agencer en une mosaïque patiente. Alors, où est son mérite? Et quelle belle excuse pour les hypocrites, les voleurs et les salisseurs ! La médiocrité crasse de ces individus les rend incapables de comprendre l’essence même de l’œuvre de création.
 
Dans l’œuvre humaine, la création est à l’image de la Création dans l’Univers. Elle est un sacrifice, un calvaire pénible à gravir, un enfantement paroxystique. Pour l’homme doué d’une sensibilité intellectuelle et d’une volonté hors de pair, le tourment de l’inconnu, l’anxiété du pourquoi et du comment, le chagrin de l’erreur, le harcèlement delà souffrance, le besoin de clarté, l’obsession de la perfection, le stimulant de la charité et le désir de progrès créent un état d’exaltation propice à la recherche, à l’expérimentation, à la coordination et à l’édification d’une œuvre utile et juste. Mais que de tortures physiques, de tribulations, de fatigues matérielles, d’insomnies épuisantes et d’anxiétés psychiques pour accéder au vrai et pour l’exprimer! Rien de bon, de juste, de vrai, d’original ne peut donc être découvert et rendu que dans un effort harassant et dans un tourment inexprimable. Seuls, les intellectuels, vraiment créateurs, peuvent savoir les tortures qu’infligent la découverte et l’expression du Beau et du Vrai. Et ce qu’ils ont subi, pour les réaliser, est tellement pénible qu’ils se refuseraient à le souhaiter à leur ennemi.
 
D’autre part, les esprits d’élite, les génies et les saints, sont de douloureux crucifiés qui se consument en efforts méritants pour atteindre et exprimer la Vérité. Ils souffrent d’être transpercés, du dedans, par l’éclat fulgurant de la Vérité conquise, et blessés, du dehors par l’incompréhension, la haine et les coups des gens de ténèbres. «Le pire tourment humain, écrivait Léon Bloy, c’est la soif de la Grandeur et de la Beauté.» Aussi peut-on dire que leur royaume n’est pas de ce monde.
 
Mais les contrefacteurs qui vivent aux crochets d’autrui ou les primaires autodidactes qui végètent dans des opinions simplistes continueront à se figurer que l’homme de talent ou de génie trouve bêtement ce qu’il produit, enfante dans la joie et reçoit ainsi sa récompense ici-bas.
 
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Le texte “La Création Intellectuelle” est reproduit du livre  «Enseignements et Traitements Naturistes Pratiques», Troisième Série, Paul Carton, Norbert Maloine Éditeur, Paris, 1931, 334 pp., voir pp. 290-292. L’article  a été publié sur les sites Internet de la Loge Indépendante des Théosophes le 13 novembre  2023.
 
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